Les Legaltech offrent de nouvelles perspectives aux professionnels du droit. Et nombre d’entre elles sont créées par des entrepreneurs diplômés dans ce domaine !
C’est le cas d’HELLIA, co-fondé par Charlotte Pons. A l’origine, Charlotte est juriste immobilier. Elle a évolué dans le secteur privé puis dans le secteur public. Un jour, elle a décidé de s’ouvrir à de nouvelles expériences ! En 2017, elle a repris une année d’études en marketing digital et y a découvert le fabuleux monde des start-up. A partir de ce moment-là, sa vie professionnelle a basculé : elle a cofondé une Legaltech et est devenue freelance en content marketing.
Nous sommes allées la rencontrer afin d’en savoir plus sur sa société, mais également son podcast “Le journal de Charlotte”, dans lequel l’entrepreneure multi-casquette part à la rencontre de professionnels de l’univers des Legaltech.

Interview de Charlotte Pons, entrepreneure et podcasteuse Legaltech
Vous avez co-créé une Legaltech baptisée HELLIA, qui est un outil de gestion locative destiné à des bailleurs privés. Pouvez-vous nous en dire plus à son sujet ?
J’ai co-fondé cette société avec des associés. Pour l’instant, nous avons posé la première brique : nous avons traduit en algorithmes toute la loi du 06 juillet 1989 pour offrir au bailleur un bail personnalisé et conforme à la loi, avec la possibilité de signer électroniquement le bail.
Concrètement, l’utilisateur rentre ses données et en fonction de sa situation, nous lui proposons les mentions exactes à insérer. HELLIA va bien sûr évoluer et offrir d’autres fonctionnalités. Notre Legaltech a vocation à devenir un couteau-suisse (automatisation de la quittance, relances, vérification dossier locataire etc) pour accompagner et faciliter le bailleur dans ses relations locatives.
Nous discutons avec beaucoup d’investisseurs locatifs et nous avons remarqué qu’ils prennent du temps pour chercher le bien dans lequel investir ou pour trouver leur crédit immobilier. Mais, une fois propriétaires, la plupart d’entre eux se retrouvent face à des difficultés de gestion. Ils croient régler la question en trouvant des solutions qui leur semblent logiques, mais qui malheureusement sont infondées juridiquement. Bien souvent, le « à peu près » donne naissance à des conflits, ce qui entretient la défiance entre bailleurs et locataires.
Donc, je dirais que supprimer le « à peu près » pour pacifier les relations locatives est notre cheval de bataille ! Notre plus-value réside dans le fait que nous souhaitons rendre accessible et compréhensible une législation qui parait simple, mais qui ne l’est pas du tout.
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Quel accueil votre Legaltech a-t-elle reçu ?
Je touche du bois ! La première version est bien accueillie et nous avons la chance de pouvoir compter sur une communauté de plus de 10 000 bailleurs qui nous envoient des feedbacks bienveillants, surtout concernant l’UX design.
Notre philosophie plaît également beaucoup. Au travers du groupe Facebook de la société, nous essayons de vulgariser un maximum la loi pour que le bailleur prenne conscience de sa complexité. De cette façon, il se donne la chance d’une part, d’être irréprochable dans ses obligations et d’autre part, de savoir défendre ses droits.
A notre échelle, nous voulons désamorcer les conflits en amont. Bien souvent, c’est l’ignorance de la loi qui donne lieu à des querelles qui finalement disparaîtraient si chacun avait connaissance de la réglementation (ce qui n’est pas chose aisée).
Votre podcast “Le journal de Charlotte” aborde le sujet des Legaltech, de la digitalisation du droit et de la mutation des pratiques juridiques. Pourquoi avez-vous créé ce podcast ?
Quand on entreprend, il est essentiel d’échanger avec des profils plus aguerris. Je questionne ceux qui ont déjà fait “décoller” leur société sur leur marché, la construction de leur produit, l’aspect commercial, le marketing, le prix, les équipes, etc. Ces profils seniors ont assez de recul pour nous parler de leur réussite et de leurs erreurs. Ils ont aussi une vision assez fine et réaliste des enjeux de la digitalisation du droit : on comprend mieux pourquoi il faut être patient quand on se lance dans le monde de la Legaltech.
J’aime aussi avoir des retours d’expérience de startupers qui ont “les mains dans le cambouis”. Cela lève le voile sur la réalité à ceux qui voudraient se lancer ! Et puis surtout, j’échange avec mes invités sur des problématiques très terre-à-terre : comment se faire connaître ou comment avancer alors qu’on a très peu de ressources financières.
Plus globalement, au travers de mon podcast, j’essaie de comprendre les opportunités business des Legaltech et les étapes de la création d’un produit/service qui génère des ventes. Au-delà de cet aspect business, je touche du doigt la mutation des métiers du droit parce que le digital, qu’on le veuille ou non, va profondément changer les pratiques juridiques en tant que professionnel ou en tant que particulier.
“Le digital, qu’on le veuille ou non, va profondément changer les pratiques juridiques en tant que professionnel ou en tant que particulier.”
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Qu’avez-vous appris depuis que vous avez commencé à interviewer vos invités sur l’environnement Legaltech ?
L’environnement Legaltech est polymorphe. Les business sont très différents : il y a des outils SaaS métiers à destination des juristes, des avocats ou des notaires, des plateformes de rédaction d’actes à destination des particuliers ou des professionnels, des services hybrides qui mêlent automatisation et conseils, des logiciels d’aides à la décision avec de l’intelligence artificielle, des technologies d’horodatage etc. Bref, il y en a pour tous les goûts et il reste de nombreuses places à prendre puisque le droit est lui-même multiple !
D’un point de vue entrepreneurial, j’ai remarqué que l’environnement Legaltech n’exploite pas encore totalement les opportunités liées au marketing et à la communication. Seules quelques start-up du droit maîtrisent ces leviers et elles ont d’ailleurs de beaux résultats. Mais je ne doute pas un seul instant du fait que les autres finiront par s’y atteler.
Enfin, je dirais que pour l’instant, la Legaltech est un milieu qui apprend à se structurer notamment au travers d’événements. Il manque encore de la lisibilité mais j’ai l’impression qu’il y a une réelle volonté des acteurs de se regrouper et c’est une très bonne chose pour construire un écosystème puissant.
Quels sont les principaux défis auxquels font face vos invités quand ils créent une Legaltech ?
Mes invités ont les mêmes défis que toutes les start-up : répondre au bon besoin, comprendre les clients, créer un produit compréhensible, vendre et être rentable ! Travailler dans l’innovation, quelle que soit la thématique, c’est de prouver aux gens l’intérêt de la nouveauté pour que cette dernière s’intègre dans leurs habitudes. Aujourd’hui, la plus-value des Legaltech est bien perçue par les professionnels comme par les particuliers, mais le travail d’évangélisation reste primordial.
Sinon, la difficulté spécifique qu’on a pu me remonter concerne le recrutement. Les Legaltech ont souvent envie de recruter des profils hybrides. Le métier de product legal en est un exemple parfait : c’est un métier mi-juriste, mi-tech. En plus de la compétence métier (produit, marketing ou commercial), un background juridique est souvent apprécié. Clairement, ces profils ne courent pas les rues.
Ce qui est compliqué avec les Legaltech, c’est que l’on s’adresse soit à des professionnels (avocats, juristes, notaires dont il faut comprendre la technicité du métier et le vocable), soit à un public plus large à qui on propose des outils qui touchent le fond du droit. Dans les deux cas, avoir des connaissances juridiques est incontournable.
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Si vous ne deviez recommander qu’un épisode de votre podcast, ce serait lequel et pourquoi ?
Je vais poser un joker ! Tous les épisodes distillent des renseignements opérationnels et des conseils actionnables. Je préfère dire aux personnes de lire un article que j’ai écrit suite à la saison 1 : Comment créer une Legaltech : les retours d’expérience de ceux qui ont réussi.
Que pouvons-nous vous souhaiter pour le futur ?
J’aimerais que HELLIA trouve sa vitesse de croisière évidemment ! C’est un projet qui me passionne par son aspect technique et par les valeurs qu’il porte : la vulgarisation de la loi et la pacification des relations locatives. La route est encore longue. Je souhaiterais également continuer à faire de belles rencontres et faire aboutir un projet plus personnel : la création d’une agence de content marketing dédiée aux Legaltech (qui est une suite logique et plus structurante de mon activité de freelance).
Le marché des Legaltech vous intéresse ?
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