Laetitia Jacquier fait partie de ces entrepreneurs du droit qui a rencontré dans sa première carrière d’avocat des points de douleur qu’elle aide aujourd’hui à résoudre. Pour ce faire, elle entreprend de nombreux projets, comme des ateliers de co-développement axés sur l’innovation juridique ou son podcast Du Vent sous la robe.
Rencontre avec une entrepreuneur multidisciplinaire.
L’innovation juridique : décryptage et exemples
Présentation de Laetitia Jacquier
Passionnée par le droit en général et l’innovation en particulier, Laetitia quitte ses fonctions d’avocate après 6 ans en droit public pour rejoindre l’aventure entrepreneuriale. Pour ce faire, elle décide d’abord de suivre une formation en Legal innovation and technology (Suffolk University) à distance avec l’idée de vouloir se former davantage sur les questions liées à l’innovation dans le secteur du droit.
Quelques mois plus tard, Laetitia crée son podcast Du Vent sous la robe, dans lequel elle interviewe des acteurs innovants du droit, des avocats, des juristes, des magistrats, des entrepreneurs Legaltech, des consultants en innovation, des développeurs, des responsables de parcours de formation innovants ou encore des Legal designers. Ce vent sous la robe des avocats est une image pour décrire qu’un souffle nouveau, celui de l’innovation, est diffusé dans le milieu du droit. Nous l’avons interviewé précisément à ce sujet.
Pourquoi avoir créé le podcast Du vent sous la robe ?
L’idée est d’inspirer par l’exemple. Et de montrer que l’on peut faire les choses différemment dans le milieu du droit : informer et surtout démystifier l’innovation qui est souvent perçue comme une montagne, trop éloignée de la pratique des avocats.
En novembre dernier, j’ai également créé, en continuité du podcast, des ateliers de co-développement, pour aider les avocats et les juristes à trouver des solutions innovantes à leurs problématiques professionnelles.
Podcast et droit forment un bon duo selon vous, pouvez-vous expliquer pourquoi ?
Le podcast est l’un des médias qui offre le plus de flexibilité : on peut en écouter dans les transports, dans la voiture, en faisant du sport… On peut écouter une partie d’un épisode et y revenir plus tard. Ce média s’insère bien dans une vie très remplie, avec un rythme à 200 km/h, comme celle des avocats !
Le podcast peut permettre aux professionnels du droit de se positionner en tant qu’expert sur un sujet et leur donner une certaine visibilité. Ce média permet de créer un lien avec son audience. C’est un bon moyen de créer un vrai lien avec des potentiels clients ou des partenaires ! En termes d’image de marque, c’est assez décalé et impactant.
Et enfin – ce qui est loin d’être négligeable – le podcast permet aussi de rencontrer de nombreux invités, et d’apprendre, grâce à leurs interviews et leurs retours d’expérience.
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Pouvez-vous nous donner des exemples d’innovations juridiques que vous avez évoquées dans votre podcast ?
Le legal design
Je mentionnerai d’abord le legal design, c’est-à-dire le fait d’avoir une approche centrée sur le client ou l’utilisateur. Cela passe notamment par le fait de développer des offres ou des services répondant aux besoins des clients, mais également par la façon dont le contenu juridique est présenté. L’idée est d’arrêter “d’assommer” les clients avec une information juridique “indigeste”.
Tout cela tant sur le langage juridique, qui doit être clair, que sur le format : les consultations et autres documents juridiques doivent être présentés avec un format plus engageant (par exemple, une infographie, un tableau, des slides, un schéma, une time line etc.). Il n’y a pas de format type et il est important de réfléchir à celui qui sera le plus utile et impactant pour le client.
L’innovation dans la communication
Il s’agit ici d’explorer d’autres formats moins classiques pour communiquer. Je citerais notamment l’avocate Karine de Luca, qui a créé son propre cabinet et un podcast baptisé Parlons divorce avec Granvelle. Parmi les avocats, je crois que c’est la première à avoir créé un podcast pour des clients ou des prospects.
Ce podcast a été créé pour donner de l’information vérifiée à de potentiels clients. Il propose des informations tant juridiques que pratiques sur le couple, la séparation, les violences conjugales, et explique aussi le déroulement de la procédure, et par exemple comment se passe une audience.
Karine de Luca a aussi créé une chaîne de vidéos “Sens et émotions” sur les conflits familiaux, qui propose des tutoriels dans lesquels des enfants aident, avec humour, leurs parents à bien gérer leur divorce.
Modélisation du raisonnement juridique, intelligence artificielle et machine learning
Dans le milieu du droit, on dit souvent que le raisonnement juridique est tellement complexe que l’on ne peut pas l’automatiser. Pourtant, dans d’autres domaines, l’intelligence artificielle et le machine learning ont permis des avancées très importantes dans la résolution de problèmes complexes.
Dans le domaine du droit, il est aujourd’hui possible d’automatiser une partie du raisonnement et de l’expertise juridique grâce à l’intelligence artificielle et au machine learning, pour créer des chatbots par exemple, mais pas que.
On peut ainsi espérer que les technologies modernes trouveront à l’avenir de nombreuses applications dans le domaine du droit.
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L’innovation dans les directions juridiques
Chez Ubisoft, une Legal Innovation Team de cinq personnes a été créée avec notamment une designer et un développeur. L’objectif ? Accélérer la digitalisation du département juridique. J’ai imaginé un épisode avec un regard croisé de deux personnes de cette équipe et Emilie Letocart-Calame, ancienne directrice juridique qui fait aujourd’hui du conseil en innovation pour les directions juridiques. Un autre épisode dresse un panorama des innovations mises en œuvre au sein de huit directions juridiques.
Que pensez-vous du paysage Legaltech français ?
Cela dépend des sujets. L’automatisation d’actes et la robotisation de contrats par exemple se sont bien développées, et j’ai le sentiment que ces innovations suscitent un intérêt grandissant. Il en va de même des outils de gestion de cabinet ou des outils digitaux qui permettent de faciliter le quotidien des avocats et juristes.
A contrario, sur tout ce qui est lié au contentieux, l’innovation est plus timide. Par exemple, il n’y a pas beaucoup d’initiatives qui permettent de gagner du temps sur la rédaction de jeux de conclusions, c’est-à-dire les écritures qu’on dépose auprès des juridictions dans le cadre d’un recours. Il y a un beau projet qui est actuellement en beta test, Replick, qui s’est donné pour objectif d’aider les avocats à construire une argumentation juridique optimale. Mais ce serait bien que les Legaltech se développent davantage dans ce domaine.
De façon générale, je dirais qu’il y a beaucoup de belles initiatives d’innovation dans le domaine du droit. Elles n’ont pas forcément encore toutes trouvé leur marché, mais je suis plutôt optimiste sur l’avenir, c’est un cheminement et le changement prend toujours du temps. Plus les professionnels du droit vont s’emparer de ces sujets, plus l’innovation va fleurir et répondre à leurs besoins !
- L’utilisation d’outils technologiques pour faire gagner du temps et moderniser la pratique du droit.
- Les moteurs de recherche juridique qui proposent des fonctionnalités poussées.
- La justice “prédictive”.
- Proposer des offres innovantes et adopter une stratégie marketing et digitale pour se différencier.
- Innover dans la relation client.
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Vous avez créé des ateliers de co-développement axés autour de l’innovation juridique. Concrètement, comment se déroulent-ils ?
C’est une approche de formation innovante qui réunit un petit groupe de personnes (en général entre 4 et 10) exerçant la même profession et rencontrant ainsi des problématiques professionnelles communes.
Les ateliers reposent sur les interactions entre les participants, et le fait d’apprendre des autres grâce au partage d’expériences. Concrètement, cela se passe de cette façon : un participant expose sa problématique, tout le groupe l’aide, le conseille et le guide, en fonction de ses expertises, pour qu’à la fin, un plan d’action soit défini et activable.
Les rôles changent à chaque séance pour que chacun ait l’occasion d’exposer sa problématique. Mais, quel que soit le rôle joué au cours de la séance, chacun apprend de soi-même et des autres. D’autant que la problématique des autres peut, si ce n’est pas déjà le cas, devenir la sienne un jour. Alors, avoir participé à une séance de co-développement, cela revient à anticiper et gagner du temps pour l’avenir.
Dans un deuxième temps, après la séance de co-développement à proprement parler, des outils, des méthodes de travail ou des modèles innovants sont présentés à tous les participants pour pouvoir enrichir leur culture d’innovation.
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